Le français, mais quel français?
Mon ami Franck est originaire de Paris, mais il habite maintenant aux États-Unis avec sa femme et ses deux enfants. Cela fait maintenant deux ans qu’il nous dit vouloir faire un tour à Montréal, un de ces jours, pour visiter la ville. Pour des raisons plus égoïstes que les siennes, j’accueille son idée avec enthousiasme. Pourtant, ce n’est ni la fierté que j’éprouve pour ma ville ni le désir d’encourager l’économie locale qui m’enthousiasment. C’est plutôt le fou plaisir que j’aurai quand je lui annoncerai que les Québécois adorent les enfants et qu’il pourra se vanter à qui veut bien l’entendre « d’avoir deux gosses ». Quelle bonne impression il fera!
Je parie qu’il ne sait pas que le mot « gosse » signifie « testicule » en français de chez nous.
Même famille, deux cousins : les différences entre le français hexagonal et le français québécois
Tout comme la série de romans Harry Potter a été adaptée en anglais américain avant sa publication aux États-Unis (fait intéressant, c’est l’édition britannique qui a été vendue au Canada!), les textes originellement destinés aux francophones européens doivent être adaptés avant d’être publiés au Canada.
Les différences, parfois subtiles, sont nombreuses. Outre les jurons — exemple célèbre et ô combien divertissant —, on pourra penser aux noms des services publics, organismes et institutions. Au Canada, il n’y a pas de lycées, mais plutôt des « écoles secondaires », alors que le « bac » est en fait la licence universitaire. Et c’est sans compter les réalités propres à chaque province. Puis, il y a le vocabulaire courant : certains mots revêtent un sens différent de part et d’autre de l’Atlantique (pensons au nom « bas » qui, au Canada, signifie « chaussette »). De plus, certains verbes comme « magasiner » ne sont pas du tout en usage dans l’Hexagone. Un ami nantais m’a d’ailleurs déjà demandé si je parlais de magazines lorsque j’ai utilisé ce mot. Autre exemple : « barrer ». Ce verbe, fréquemment employé au Canada, semblera à coup sûr archaïque en France, où on lui préférera « fermer à clé ». Les différences touchent même les noms des repas. Certains ignorent que le déjeuner français est un « dîner » au Québec, où le dîner s’appelle en fait… « souper ». Imaginez les pépins que ces nuances lexicales pourraient causer à qui veut fixer un rendez-vous interculturel!
C’est bien connu, Français et Québécois ont la drôle d’habitude de se renvoyer la balle lorsque vient le temps de déterminer qui utilise le plus d’anglicismes. Les Québécois lèvent le nez lorsqu’ils entendent « la cranberry », puisque deux équivalents existent déjà chez eux depuis longtemps : « canneberge » et « atoca » (un mot d’origine iroquoienne). Les Français, quant à eux, pourront critiquer les fameux « bon matin » et « faire du sens », qui constituent tous deux des anglicismes syntaxiques, un type de calque plus fréquent en Amérique francophone qu’en Europe.
Étant anglophone, je trouve la question des anglicismes particulièrement fascinante, car il n’est pas rare de trouver en français des mots d’origine anglaise dont le sens a connu un certain glissement. Par exemple, « pressing », « slip », « pull », « footing » ou « brushing » ne sont pas employés de la même manière de part et d’autre de la Manche (ou de l’Atlantique!). Fait intéressant, ces anglicismes ne sont pas en usage au Québec, où l’on préfère des équivalents francophones.
Se fier à son intuition… et à son entourage!
Lors d’un récent mandat de traduction, j’ai dû traduire en anglais le terme « universitaire » employé comme substantif. Je connaissais ce mot sous son acception classique, celle de « professeur », de « chercheur », de « membre d’une université ». Pourtant, cette définition ne cadrait pas du tout avec le contexte de ma phrase. Dans le texte, il était clairement question d’un étudiant à l’université, et non d’un membre du corps professoral… Pour en avoir le cœur net, j’ai consulté différentes ressources : quelques dictionnaires classiques, Termium (la base de données terminologiques du gouvernement canadien), le Grand dictionnaire terminologique (mis en ligne par l’Office québécois de la langue française) et, bien sûr, mon intuition et plusieurs francophones de mon entourage montréalais. Vérification faite : au Québec, le mot « universitaire » revêt bel et bien le sens d’étudiant, dans certains contextes.Comme quoi les variations régionales peuvent parfois être plus subtiles qu’on le pense!
L’importance de la localisation ne devrait pas être sous-estimée, car les différences culturelles entre la France et le Québec sont nombreuses. Un guide touristique en ligne pour les citoyens français voyageant au Québec conseille aux lecteurs de ne pas faire l’erreur de penser que les Québécois sont simplement des Français qui vivent en Amérique du Nord, car ils sont plutôt des Nord-Américains francophones. Exemple par excellence de la relation entre culture et langue : les CV. En Amérique du Nord, on vante (et exagère parfois) ses exploits et accomplissements en utilisant tous les superlatifs possibles dans son curriculum vitae. En France, c’est mal vu. Je suis déjà tombée sur un fil de discussion d’un forum de traduction où un participant avait demandé comment traduire de l’anglais au français la phrase suivante (que j’ai traduite pour vous) : « Comme en témoigne mon CV, ma feuille de route est marquée par l’excellence à tous les niveaux. » Un utilisateur du Québec a proposé une traduction fidèle, tandis qu’un utilisateur français a plutôt souligné la prétention de la phrase de départ! Il est vrai qu’en France, la tendance est aux CV plus modestes. Cependant, là-bas, les postulants y joignent une photo et des renseignements sur leur état civil, une pratique inconnue au Canada! À chaque culture son histoire, ses pratiques… et ses mots!
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Les universitaires iront ensuite courir en bobettes à l’heure du dîner… et tout ira bien!