Nouvelles de l’industrie langagière
Dans le cadre de sa mission visant à soutenir l’industrie de la langue et à favoriser sa croissance tant à l’échelle nationale qu’internationale, l’Association canadienne de l’industrie de la langue (ACIL) a tenu une conférence à l’occasion de son 20e anniversaire en mai dernier. En collaboration avec des parties prenantes du domaine (fournisseurs de services linguistiques, langagiers et langagières, entités gouvernementales, représentants du milieu universitaire…), cette association à but non lucratif a pour objectif de mettre en valeur l’industrie canadienne de la langue au moyen de la défense des intérêts, de l’accréditation et de l’échange d’information.
La veille de l’événement, le gala d’ouverture a lancé les festivités en beauté. Parmi les temps forts de l’événement, citons les possibilités de réseautage en personne ainsi qu’une cérémonie de remise de prix soulignant les précieuses contributions des chefs de file de l’industrie de la langue.
Fait à noter : la société sœur d’OXO Innovation, Communications Transcript, a eu l’honneur d’être récompensée lors de la cérémonie. En effet, les fondatrices Wilma Scappaticci et Joanne St-Denis ont reçu un prix soulignant l’ensemble de leur carrière, en reconnaissance de l’héritage indéniable que ces deux femmes ont laissé dans l’industrie. C’est avec fierté que nous suivons leurs traces, notamment en cultivant l’audace et l’initiative au sein de nos équipes.
Le lendemain, de grands noms de l’industrie ont pris la parole pour présenter les défis du secteur, mettre en lumière les intérêts des langagiers et langagières et discuter d’innovation, de recherche et de développement. Des membres des équipes d’OXO et de Transcript ont participé à l’événement; vous trouverez ci-dessous les faits marquants de trois des séances.
Intelligence de l’industrie langagière
Ce panel a été présenté par Renato Beninatto, président et cofondateur de Nimdzi, et Florian Faes, directeur général de Slator. Bien sûr, il y a beaucoup été question des répercussions indéniables des nouvelles technologies de modélisation linguistique sur l’industrie de la traduction et de la localisation, en particulier en ce qui concerne les grands modèles de langage tels que ChatGPT.
En tant que pionniers influents de la technologie de localisation, Beninatto et Faes ont reçu de nombreuses questions de propriétaires d’entreprises voyant venir avec inquiétude les changements que ChatGPT va entraîner dans le paysage des services linguistiques. Les deux dirigeants ont convenu que si ChatGPT et d’autres grands modèles de langage peuvent être considérés comme une technologie perturbatrice pour les traducteurs et traductrices, ils n’auront pas le même effet sur les entreprises de traduction.
Selon Beninatto, le secteur de la localisation n’a connu jusqu’à présent que trois innovations perturbatrices. La première a été l’utilisation généralisée du courriel, qui a permis aux entreprises d’entrer en contact avec des traducteurs et traductrices ayant la langue cible pour langue maternelle, et ce, dans leur propre pays. Ensuite, l’adoption de logiciels de mémoire de traduction, une technologie que Trados a largement contribué à populariser et, enfin, l’utilisation de la traduction automatique (et particulièrement de l’outil gratuit Google Translate), qui a profité aux fournisseurs de services linguistiques en rehaussant les attentes des acheteurs de services de traduction et en filtrant les clients qui n’avaient pas besoin de traductions de haute qualité. Dans ce contexte, les grands modèles de langage sont plutôt des technologies progressives pour les fournisseurs de services linguistiques, et non des technologies perturbatrices.
Faes a ajouté que l’adoption de grands modèles de langage de haute qualité et personnalisables, à ce stade, peut être une démarche très coûteuse qui risque de ne pas produire les résultats escomptés pour les services linguistiques des entreprises. Au lieu de se précipiter pour adopter cette technologie en guise d’outil de traitement linguistique, les fournisseurs de services seraient bien avisés de faire preuve de patience et d’attendre avant de prendre des décisions commerciales coûteuses.
Dans un autre ordre d’idées, Beninatto a pris quelques minutes à la fin du panel pour communiquer quelques données révélatrices sur l’industrie canadienne de la langue. Comme le gouvernement canadien reste le principal acheteur de services de traduction au pays, les fournisseurs de services linguistiques canadiens ont tendance à se concentrer sur le marché national et finissent par perdre d’importantes occasions de se positionner à l’échelle internationale. L’Atlas des technologies du langage de Nimdzi (2019) a souligné que le Canada ne disposait que de 7 outils parmi les 121 nouvelles technologies de localisation répertoriées, alors que l’Allemagne avait une contribution beaucoup plus importante avec 38 outils. Un nouvel atlas des technologies comprenant plus de 800 outils paraîtra en juillet 2023, et Beninatto pense que l’écart entre le Canada et les principaux pays européens sera encore plus important.
ChatGPT et les autres systèmes d’IA générative
La conversation sur les technologies linguistiques s’est poursuivie avec Arle Lommel, directeur des services liés aux données chez Common Sense Advisory. Après avoir établi une distinction importante entre l’IA générale et l’IA générative, Arle Lommel a donné un précieux conseil aux linguistes : ne paniquez pas!
Selon lui, si l’utilisation de l’IA générative change bel et bien la manière dont les linguistes travaillent aujourd’hui, cette technologie ne peut fonctionner seule; au contraire, elle offre plusieurs possibilités aux personnes qui sont prêtes à l’utiliser.
L’implantation des technologies de grands modèles de langage par les entreprises de traduction a également été un sujet récurrent dans cette table ronde. À l’instar de Faes, Arle Lommel a insisté sur le fait que les chefs d’entreprise devraient accorder une attention particulière aux données et aux faits avant de prendre des décisions coûteuses.
Au lieu de se ruer sur l’IA générative pour remplacer les systèmes de traduction automatique neuronale, les entreprises de traduction pourraient l’utiliser progressivement comme outil de recherche dans des services plus stratégiques, tels que les ventes et le marketing.
Arle Lommel a également sensibilisé le public aux mythes répandus et aux idées fausses concernant l’IA générative. Avec une approche didactique, il a su expliquer les faits qui se cachent derrière des affirmations fallacieuses du genre « l’IA générative commet des violations de droits d’auteur à grande échelle » ou encore « l’IA générative va bientôt remplacer n’importe quelle profession ».
Le langage juridique et l’industrie de la langue au Canada
Dans la dernière présentation de la conférence, Marie-Hélène Girard, professeure adjointe de traduction juridique à l’Université McGill, a illustré les subtilités de l’industrie de la traduction juridique au Canada. Une tendance intéressante se dessine : 31,4 % des fournisseurs de services linguistiques considèrent la traduction juridique comme un domaine d’expertise en expansion. Cependant, ils font face à une pénurie de personnel qualifié en la matière, car les personnes les plus expérimentées partent à la retraite.
Pour mieux comprendre les défis de cette industrie, Marie-Hélène Girard a mené une recherche auprès de personnes exerçant des activités linguistiques professionnelles dans le domaine du droit au Canada. Son analyse de 190 études aidera certainement les fournisseurs de services linguistiques à découvrir ce dont les traducteurs et traductrices juridiques ont besoin pour réussir et comment attirer et retenir ces ressources inestimables dans les années à venir. L’auteure publiera bientôt les résultats de son analyse, et nous attendons cette publication avec impatience.
À venir bientôt…
La participation à ces événements de l’industrie est toujours enrichissante. Pour cette raison, les équipes d’OXO et de Transcript ont confirmé leur participation à la conférence annuelle de l’OTTIAQ en novembre 2023. Cet événement phare au Canada rassemble des centaines de langagiers et langagières, d’étudiants et étudiantes et d’autres spécialistes des domaines de la traduction, de la terminologie et de l’interprétation. Nous avons déjà très hâte d’assister à cette conférence et de vous faire part de ce que nous y aurons appris.